Investir dans les compétences : un levier de compétitivité pour les PME

Publié le 23 février 2015 | Dernière mise à jour le 24 juillet 2020

  • Envoyer a un ami
  • facebook twitter
La loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle prévoit de redistribuer une partie des fonds collectés par les organismes agréés (OPCA) au profit des TPE/PME pour la formation de leurs salariés. Mais elle renforce aussi les obligations de ces dernières (entretiens professionnels avec chaque salarié…) qui se voient contraintes de se doter de leur propre « stratégie RH ».


Pour les aider à faire face à cette nouvelle donne, la DIRECCTE Centre a conclu des conventions-cadre (EDEC) avec plusieurs branches régionales afin d’anticiper les besoins en compétences de leur PME au regard de l’évolution de leur environnement.

Onze conventions-cadre EDECont été conclues ces derniers mois par la DIRECCTE avec des organisations professionnelles régionales tandis que deux EDEC nationaux, concernant les secteurs de l’automobile et de l’industrie agro-alimentaire, ont donné lieu à des déclinaisons régionales. Plus que jamais, l’Etat se doit d’encourager les branches à engager des démarches concertées de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) notamment auprès de leurs PME-PMI adhérentes non soumises à l’obligation triennale de négociersur cette thématique. Les EDEC constituent à cet égard un bon outil pour accompagner un panel d’entreprises volontaires des branches signataires dans l’élaboration d’un premier diagnostic RH, au regard de leur stratégie de développement, puis dans la définition d’un plan de formation adapté à leurs besoins.

Adapter ses RH aux mutations à venir

L’enjeu est bien de permettre à l’employeur, en faisant évoluer les compétences de ses salariés, d’adapter au mieux son entreprise aux mutations économiques en cours et à venir. Celles-ci sont de plus en plus rapides et prennent des formes diverses : apparition de nouvelles technologies, évolution réglementaire, changement des modes de consommation (e-commerce…), nouvelles formes de concurrence, positionnement sur de nouveaux marchés… Un bon diagnostic RH peut s’avérer vite rentable pour le dirigeant de PME. Cela lui permet d’avoir une vision claire des compétences existant au sein de l’entreprise, de préparer la gestion des âges et d’adapter les qualifications et compétences de ses salariés à son projet de développement. Ces éléments vont aussi lui servir à motiver les salariés auxquels il sera en capacité de proposer des évolutions professionnelles partagées. Avec à la clef une diminution du turn-over et des collaborateurs plus fidèles. Il peut aussi mieux définir ses offres d’emploi et se donne par là même plus de chance de réussir ses recrutements. Enfin il est en mesure de repérer les savoir-faire qui forgent la mémoire de l’entreprise et dont la disparition pourrait mettre en péril son devenir. Il aura donc à cœur de veiller au transfert des compétences de ses salariés expérimentés vers d’autres collaborateurs.

Le secteur « Ameublement-bois/Papiers-cartons/Matériaux pour la construction et l’industrie », vient précisément de signer avec la DIRECCTE en novembre dernier un EDEC visant à anticiper d’importants départs à la retraite attendus au cours des prochaines années. Il s’engage dans ce cadre à aider des entreprises adhérentes à sécuriser la transmission de leurs savoir-faire lorsque ceux-ci n’ont pas été bien formalisés ou qu’ils représentent une valeur stratégique de par leur rareté.

Autre objectif poursuivi par les partenaires sociaux de cette branche et que l’on retrouve dans la plupart des EDEC : renforcer l’employabilité future des salariés, dans l’entreprise voire hors de l’entreprise le cas échéant, en leur faisant acquérir des « Certificats de qualification professionnelle » (CQP) à l’issue d’un parcours de formation et (ou) de VAE. Ces CQP sont délivrés le plus souvent en mettant le salarié en situation concrète de production devant un jury d’experts de la profession.

Plan de formation : les entreprises à la barre

En supprimant l’obligation fiscale versée par l’entreprise au titre du plan de formation, la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle redonne à l’employeur une vraie responsabilité dans le choix et le financement des formations répondant aux besoins de ses salariés. Désormais, toute entreprise a l’obligation d’adapter ses salariés à leurs postes de travail, de veiller à leur capacité à occuper un emploi et d’assurer un suivi de leurs parcours professionnels via des entretiens biannuels individuels qui feront l’objet d’un compte rendu établi par le supérieur hiérarchique.

Conscientes que la mise en œuvre de ces nouvelles obligations sociales nécessite un accompagnement et un outillage spécifique adaptés aux TPE-PME, les fédérations professionnelles du BTP se sont engagées en octobre dernier dans le cadre d’un EDEC à sensibiliser leurs adhérents à l’importance de l’entretien professionnel et à les aider à s’approprier cet « acte managérial essentiel », susceptible de faciliter le dialogue social. Il est également demandé à l’OPCA Constructys Centre, opérateur et gestionnaire de l’EDEC, de concevoir et d’expérimenter une formation spécifique « Conduire un entretien professionnel dans le BTP » en prenant appui sur la situation exacte des entreprises et de leurs pratiques en la matière.

Même prise de conscience de la part du secteur de la plasturgie que la DIRECCTE soutient via un EDEC depuis 2012. Convaincue que les cadres dirigeants mais aussi et surtout les managers de proximité jouent un rôle clef dans la conduite du changement et, in fine, dans la montée en compétences des salariés impliqués dans ce changement, Plastalliance, la délégation régionale du secteur, a décidé de programmer pour une dizaine d’entreprises des « ateliers d’échange et de pratiques managériales » à destination des chefs d’équipe ou des superviseurs de production. Animés par un consultant qui aura lui-même auparavant réalisé les diagnostics stratégiques et RH de chaque PME, ces ateliers, d’une durée totale de 6 jours, doivent donner aux managers de terrain les outils et savoir-faire pour mieux motiver et susciter l’adhésion de leurs équipes mai aussi pour mieux évaluer les compétences qu’elles auront à acquérir, le plus souvent à l’occasion d’un changement organisationnel ou technique.

Convaincre de la plus-value d’une GRH maîtrisée

Toutefois, en dépit des actions conduites par de nombreuses branches, beaucoup de dirigeants de PME n’ont pas pris toute la mesure de leur investissement « formation ». En effet, la nécessité d’assurer la rentabilité immédiate de l’entreprise conduit à garder les yeux rivés sur le carnet de commande et la dimension « RH » n’est pas regardée comme un véritable facteur de compétitivité, au même titre que la politique commerciale ou celle de l’innovation « produits ». Partant de ce constat, les OPCA interprofessionnels (AGEFOS PME, OPCALIA) tentent de sensibiliser les employeurs à la plus-value d’une GRH maîtrisée et ouverte en les aidant, dans un premier temps, à dresser un diagnostic à 380° de leur entreprise et à définir une
stratégie globale de développement. L’élaboration du plan d’action RH ne vient qu’ensuite et s’appuie sur les projets de l’entreprise et les mutations, en terme d’activité et d’emplois qu’ils induisent. C’est cette approche qui a été retenue dans le cadre de 2 EDEC régionaux signés récemment par AGEFOS PME et Opcalia. Le plan de formation peut s’élaborer grâce à la mise à disposition de logiciels experts pour dresser une cartographie des compétences de leur entreprise, une pyramide des âges et divers tableaux de bords RH. Cependant il ne s’agit que d’outils qui doivent rester au service d’un projet plus large associant les individus qui seront appelés à suivre les actions de formation, car au final, une fois le plan acté, encore faut-il susciter de l’appétence chez les salariés eux-mêmes. La loi prévoit des moyens permettant aux salariés de devenir acteurs de leur parcours (entretiens professionnels, compte personnel de formation, conseil en évolution professionnelle). Mais cela nécessite qu’ils s’impliquent dans la co-construction de leurs parcours avec le service public de l’orientation professionnelle mais aussi dans le cadre d’un dialogue avec l’encadrement. L’enjeu est que le plus grand nombre de salariés s’engage in fine dans des démarches de professionnalisation qualifiantes, voire même dans des cursus de remise à niveau des savoirs de base. Pour ceux notamment qui ne gardent pas un très bon souvenir de leur scolarité ou qui n’ont pas bénéficié de stage depuis bien longtemps, le frein sera avant tout psychologique. D’où le rôle essentiel joué par les cadres de proximité. Bref, la bataille est loin d’être gagnée. Rendez-vous en 2020 à l’occasion de la passation du premier bilan des entretiens professionnels suivis par chaque salarié (voir encadré ci-dessus).

Pour aller plus loin : comprendre la réforme de la formation professionnelle du 5 mars 2014