Services à la personne : le Vendômois se mobilise face aux tensions de recrutement du secteur

Publié le 22 novembre 2023 | Dernière mise à jour le 27 novembre 2023

  • Envoyer a un ami
  • facebook twitter
Dans le Vendômois, où l’on enregistre un des plus bas taux de chômage de la région, les associations de services à la personne sont confrontées à de graves difficultés de recrutement et ne peuvent plus faire face à toutes les demandes d’intervention. Pour remédier à cette situation, les services de la communauté d’agglomération, de l’État et de la Région, ont réussi à mobiliser tous les acteurs locaux concernés [1] pour promouvoir l’attractivité des métiers de ce secteur via une campagne de communication d’envergure qui s’est déroulée d’avril à octobre 2023.

Conseil départemental, professionnels des services à la personne, organismes de formation, Pôle emploi, mission locale, structures d’insertion par l’activité économique…Tous les acteurs concernés [2] du Vendômois se connaissaient déjà bien pour la plupart et ont donc pu facilement travailler de concert en amont pour préparer cette campagne émaillée de nombreux évènements (voir encadré en bas de page) : « Nous souhaitions atteindre et sensibiliser 3 type de publics : les demandeurs d’emploi, les personnes en insertion ou en reconversion et les scolaires » précise Anne ROYER, chargée de mission « Animation territoriale » à la DDETSPP [3] du Loir-et-Cher. « Le but était de les amener à changer leur regard sur les services à la personne (SAP), de leur présenter les emplois, les formations et les opportunités professionnelles offerts par ce secteur et, in fine de leur donner envie d’y travailler ».

Exposants, demandeurs d’emploi, salariés en reconversion, lycéens... Découvrez leurs témoignages saisis sur le vif lors du forum emploi pour les services à la personnes, le 10 octobre à Vendôme !

« Recherche candidats désespérément »

Démonstration de matériel de levage d’une personne du lit au fauteuil

Car dans cet arrondissement, les services à la personne (SAP) font partie des métiers qui proposent le plus d’offres d’emploi : début 2023, l’enquête annuelle de Pôle emploi [4] recensait 70 projets de recrutement d’aides à domicile et d’aides ménagères, dont 57% étaient jugés difficiles par les employeurs. Il faut dire que l’image de ces métiers reste globalement négative en raison des faibles salaires, des contrats à temps partiel souvent subi, de temps de déplacement important, notamment en zone rurale… Or, la demande est de plus en plus forte à cause du vieillissement de la population et nécessite du personnel qualifié pour répondre à une clientèle de plus en plus exigeante. Parallèlement, les associations d’aide à domicile sont confrontées à un turn-over endémique et au départ de nombreux salariés âgés dont les problèmes de santé ne leur permettent plus d’exercer leur métier.

Un territoire attractif

Enfin le secteur des SAP se heurte à la concurrence locale d’autres branches professionnelles qui sont en plein essor et recrutent eux aussi en permanence. Il faut dire que le dynamisme du bassin d’emploi de Vendôme est en partie dû à la qualité du partenariat que les collectivités ont su nouer avec les entrepreneurs locaux, eux-mêmes investis dans divers clubs d’entreprises très actifs.
« Nous travaillons en permanence sur les besoins en ressources humaines des entreprises de notre territoire » affirme Magali Marty-Royer, Vice-présidente de Territoires Vendômois et déléguée à l’attractivité de l’économie. « Nous entretenons pour cela un partenariat dans la durée avec tout l’appareil local de formation initiale et continue. En fait notre enjeu est triple : il faut nous assurer de la bonne intégration des nouveaux salariés (et de leurs conjoints) qui arrivent sur le Vendômois. Mais il nous faut aussi tout faire pour éviter que nos jeunes quittent notre territoire en leur proposant des formations en phase avec les besoins de main d’œuvre de nos entreprises locales. Et puis bien sûr, il convient d’accompagner les demandeurs d’emploi en levant tous les freins périphériques qui les empêchent de réintégrer le marché du travail. Les services à la personne représentent à cet égard une réelle opportunité d’insertion progressive (temps de travail modulable) et durable car ce ne sont pas des emplois délocalisables ».

Communication innovante

La campagne de communication, portée par la communauté d’agglomération « Territoires Vendômois » (CATV) et co-financée par la DDETSPP 41 [5] a été lancée officiellement le 28 avril dernier dans le cadre de la semaine des métiers du soin et de l’accompagnement organisée par Pôle emploi et s’est traduite par la réalisation d’outils de communication novateurs adaptés aux différents publics. « Pour les jeunes et les scolaires, nous avons fait appel à un professionnel qui a tourné de courtes vidéos mettant en scène le témoignage de 3 jeunes suivis par la mission locale de Vendôme » indique Sandra GIGOU, chargée de développement à la CATV. « Un dépliant « les services à la personne, 7 idées reçues » a aussi été largement diffusé. Les journées portes-ouvertes ainsi que le forum emploi ont été pour leur part médiatisés par voie d’affichage public (mobilier urbain, bus…), de spots radio, d’articles sur les magazines de l’agglomération et des mairies sans oublier les réseaux sociaux de tous nos partenaires ».

Des animations ludiques

Point d’orgue de la campagne, le forum emploi-formation sur les services à la personne s’est déroulé le 10 octobre dernier à l’espace culturel « Le Minotaure » à Vendôme. La matinée était dédiée aux élèves des établissements scolaires (collèges et lycées) et l’après-midi réservée aux demandeurs d’emploi ou personnes en reconversion. Huit structures employeuses avaient réservé un stand ainsi que deux centres de formation.
Promue par le Conseil départemental, la plateforme Job41, qui recense des centaines d’offres d’emploi et de formation à l’ensemble des Loir-et-Chériens, était mise en exergue dès le hall d’entrée. Le Conseil régional proposait quant à lui aux visiteurs de découvrir les différents métiers du soin et du social en entrant dans la peau d’un professionnel grâce à des casques de réalité virtuelle. Autre espace ludique déployé par la Région : un escape Game donnait la possibilité aux participants de partir en équipe résoudre 10 énigmes les amenant à s’immerger dans le quotidien de différents métiers : aide-soignant, aide à domicile, infirmière….

« Tout le monde n’est pas fait pour ces métiers »

Des élèves préparant un BAC Pro Services aux personnes et aux territoires

Sur le stand de Pôle emploi, une chargée de mission, référente SAP depuis 2006, constate avec amertume, la dégradation subie par ces métiers en termes d’image. « Il y a 15 ans, on arrivait à intégrer des bacheliers qui avait opté pour cette filière par choix véritable. Aujourd’hui, c’est devenu plus un choix par défaut ». Reste que ces métiers dits du « care » ne conviennent pas à tout le monde et qu’ils nécessitent une part de vocation. Un atelier de détection de potentiels était donc aussi proposé par Pôle emploi. La personne y participant était invitée à se mettre dans la peau d’un(e) aide à domicile en visite chez plusieurs bénéficiaires. A chaque situation concrète qui lui était proposée, elle devait indiquer par écrit la réponse la plus adaptée à cette situation parmi 3 réponses suggérées sous forme de QCM [6]. Exemple de situation : « En attendant l’arrivée du médecin, Mme Avril vous demande son petit déjeuner et ses médicaments habituels. Que lui dites-vous ? ».

Par ailleurs l’agence locale de Pôle emploi constate que certains demandeurs d’emploi ayant suivi une formation financée par la Région débouchant sur l’obtention d’un titre professionnel « Assistant(e) de vie aux familles », décrochent parfois de leur nouvel emploi 6 mois, voire un an après. En cause, des problèmes de garde d’enfants, de santé voire une séparation avec leur conjoint qui les empêchent d’assumer les contraintes liées à leur poste de travail.

Chasse aux idées reçues

Sur le stand de l’association d’Aide à domicile en milieu rural (ADMR) du Loir-et-Cher qui s’est beaucoup impliquée au sein du CODEVE, on n’hésite pas à mettre en exergue une politique de formation interne ambitieuse qui facilite la professionnalisation de nouveaux salariés sans expérience et qui s’est traduite par l’augmentation du nombre de salariés diplômés. « Nous publions régulièrement nos offres d’emploi sur INDEED et le site de Pôle emploi » précise Nathalie Divernet, cadre territoriale à l’ADMR 41. « Mais récemment, nous n’avons pas hésité à réaliser également des spots publicitaires pour une radio locale, Sweet FM ».
L’association, qui prend très au sérieux le taux d’accident du travail élevé du secteur, a par ailleurs embauché un ergonome mutualisé en partenariat avec d’autres structures afin d’aider l’ADMR a améliorer sa qualité de vie et ses conditions de travail. C’est dans ce cadre que dans chaque maison de service, 3 référents mobilité ont été nommés et formés pour conseiller les intervenant(e)s à domicile sur la manière d’utiliser le matériel mis à disposition et sur les bonnes pratiques à adopter lors, par exemple, du transfert d’une personne de son lit au fauteuil.
Côté salaires, N.DIVERNET ne manque pas de rappeler la revalorisation conséquente , de l’ordre de 10 à 15%, entrée en vigueur le 1er octobre 2021 suite à la signature de "l’avenant 43" à la convention collective nationale de la branche de l’aide à domicile (BAD). Pour ce qui est de la durée de travail, celle-ci s’élevait en moyenne dans la branche à 108 heures par mois [7], soit 27 heures par semaine. Mais reconnaît N.DIVERNET, « depuis le COVID, les mentalités ont évolué et les salariés sont plus nombreux qu’auparavant à vouloir se préserver du temps pour soi. Nous pouvons donc proposer des temps plein dans certains secteurs, mais nous avons aussi des contrats souhaités de 13, 14 heures par semaine ».
Reste l’épineuse question du coût lié au transport entre deux lieux d’intervention, particulièrement important en zone rurale. « Nos indemnités kilométriques, 38 centimes du kilomètre, permettent de prendre en charge 60 % du coût du transport. De plus, avec le soutien du Conseil départemental, nos salariés réalisant plus de 130 heures par mois peuvent avoir accès en leasing à un véhicule de fonction, utilisable à des fins personnelles, à un prix attractif de 95 euros par mois.
Enfin, l’avenant 43, pourrait permettre aux conseils départementaux d’indemniser entièrement le temps de trajet des salariés. Mais le Conseil départemental du Loir-et-Cher veut réserver ce financement aux seuls trajets concernant des bénéficiaires percevant l’APA [8] ou la PCH [9], et cela nous ne pouvons l’accepter ».

Les évènements associés à la campagne de communication

24 au 28 avril : Semaine des métiers du soin et de l’accompagnement avec Pôle emploi.
Les 4 et 5 mai – 11 et 12 mai : Portes ouvertes dans les structures Services à la personne : ADMR, APEF, Auprès2, CIAS, Théopolis, ….
5, 12, 17 et 19 octobre : Semaine Bleue départementale : portes-ouvertes dans des EHPAD
10 octobre : Forum des services à la personne au Minotaure, destiné aux scolaires, aux demandeurs d’emploi et aux personnes en reconversion.

Notes

[1Acteurs locaux participant au Comité de développement de l’emploi de Vendôme (CODEVE), copiloté par le sous-préfet et un élu de la Région.

[2Acteurs locaux participant au Comité de développement de l’emploi de Vendôme (CODEVE), copiloté par le sous-préfet et un élu de la Région.

[3Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations

[4Enquête annuelle 2023 sur le recensement des besoins de main d’œuvre (BMO).

[5Subvention de 15 000 euros via le contrat de plan Etat-Région. Le solde du coût total de la campagne de communication (23 000 euros) est pris en charge par la CATV.

[6Questions à choix multiples

[7chiffres de 2018, avant COVID

[8APA : Allocation personnalisée d’autonomie

[9Prestation de compensation du handicap