Intégration : deux réfugiés témoignent de leur parcours à Orléans
Publié le 22 novembre 2023 | Dernière mise à jour le 27 novembre 2023
- Sophie BROCAS, préfète du Loiret et de la région Centre-Val de Loire
Les jeunes hommes sont tendus, mais leurs regards expriment à la fois la fierté d’avoir été choisis pour cette rencontre et l’envie de partager leur reconnaissance. Instant d’appréhension que la Préfète s’empresse d’emblée de détendre en félicitant leur courage.
Le premier à s’exprimer est Kseibati, syrien de Damas arrivé seul en France en mars 2022, après avoir vécu dix ans en Egypte où il poursuivit des études de pharmacie jusqu’au Master puis travailla cinq ans dans une officine. Accompagné par Viltaïs dès son arrivée en France, il apprend avec des vidéos sur internet les rudiments de la langue, puis passe son code de la route, à la fois pour enrichir son vocabulaire et surtout pour rencontrer des gens qui le familiarisent avec la vie de la nation. Arrive ensuite une formation linguistique orientée vers l’écologie, où il s’aperçoit du chemin à parcourir face à des professeurs qui manient la langue autrement qu’avec des phrases courtes.
Objectif : un doctorat en pharmacie
Il réussit son brevet de langue française (Niveau B2) en mars 2023, et décide de reprendre des études pharmaceutiques pour obtenir une équivalence. Il débutera un master en novembre prochain à l’université Paris-Saclay avec une professeur de l’hôpital Kremblin-Bicètre, et espère poursuivre avec un doctorat, à condition de trouver le financement.
La Préfète profite de cette étape pour passer le message : beaucoup de laboratoires pharmaceutiques sont présents sur le territoire de la région et peuvent donc se manifester pour soutenir Kseibati. Sont ensuite abordés les problèmes de logement, puis les délais d’obtention de titre de séjour. Ces derniers, rappelle Sophie Brocas, ne dépendent pas de la préfecture, mais de l’OFPRA, qui doit reconstituer les actes d’état civil, procédure très longue.
Un professeur comme premier guide
C’est au tour de Bezruchko, jeune ukrainien de 18 ans, de prendre la parole. Sa venue en France date de l’été 2022, quelques mois après le début de la guerre. Impressionné, il se tient le dos bien droit pour expliquer son apprentissage du français depuis février, langue auparavant totalement inconnue. Sa professeur est présente à ses côtés, et Bezruchko explique qu’elle fut le "premier guide à lui avoir ouvert les yeux et les oreilles pour lui expliquer la vie en France".
Il a ensuite rencontré d’autres personnes « toutes aussi polies et agréables », qui l’ont orienté vers la boulangerie-pâtisserie et l’ont aidé à trouver un contrat d’apprenti. Depuis un mois, sa mère les a rejoints, lui et sa sœur, mais son père demeure toujours en Ukraine, les moins de 60 ans n’ayant pas le droit de quitter le pays.
"Il faut saluer le courage des réfugiés"
Après un échange avec le directeur de Viltaïs sur les missions et l’organisation de l’association, ainsi que les difficultés rencontrées et les pistes d’amélioration, la Préfète revient sur l’importance de la semaine de l’intégration pour d’une part mettre en valeur les opérateurs et les services de l’état, et d’autre part ceux qui ont choisi de rejoindre la France pour demander sa protection.
« C’est encore plus important cette année, alors que l’évènement intervient dans une période terrible de cet attentat d’Arras. Il faut que chacun d’entre nous ait à cœur de ne pas laisser la confusion s’installer dans les esprits…nous devons nous rappeler que la République est un communautarisme de bras ouverts autour de valeurs universelles, le contraire d’un communautarisme religieux ou politique… » insiste Sophie Brocas, avant d’ajouter que « sans Pablo Picasso, Marie Curie et Frédéric Chopin, la France serait beaucoup moins belle, prestigieuse et singulière, et que loin des idées reçues, il faut rendre hommage à ceux qui partent de chez eux et au courage dont ils font preuve sur le chemin de l’exil. Pour autant, face aux esprits malfaisants qui ne respectent pas les valeurs de la République, il ne faut pas avoir d’états d‘âme. »
Un ensemble de préceptes que Kseibati et Bezruchko approuvent, l’un dans le secteur médical, l’autre dans celui de l’alimentation, dont la première satisfaction est de contribuer à la fabrication de notre fameuse baguette. Les deux hommes ne retiennent d’ailleurs pas leur étonnement face à la découverte de la culture française, la gentillesse et l’accueil des habitants, très éloignés des stéréotypes diffusés et entendus.
Laurence BOLEAT
La politique d’intégration des ressortissants étrangers primo-arrivants, dont les réfugiés en Centre Val de Loire, passe par l’accès au logement, l’accès aux droits, l’accès à la formation, à l’emploi. Le point commun à cet ensemble est la maitrise de la langue. Cela permet d’interagir avec les personnes dans les besoins de tous les jours (faire ses courses, demander son chemin, faire des connaissances…), mais aussi appliquer des consignes dans le cadre du travail, pouvoir suivre des formations.
Priorités de la politique d’intégration :
- L’intégration des personnes par la langue et l’emploi,
- Le déploiement du programme AGIR – Accompagnement Global et Individualisé des Réfugiés, sur l’ensemble des départements de la région d’ici 2024,
Ce programme s’adresse aux nouveaux réfugiés sur la base du volontariat qui ont besoin d’un accompagnement renforcé pour accéder à un logement et/ou à un emploi. - La société d’accueil : déploiement de différents dispositifs tels que le service civique, Volont’R, le parrainage, le mentorat, mais également mise en place d’une communication positive sur les parcours d’intégrations réussies.
En 2023, ce sont 2 200 000 € (hors financements dédiés au programme AGIR) qui ont été déployés sur les territoires en Centre-Val de Loire pour financer des projets locaux sur différentes thématiques : mobilité, ateliers sociolinguistiques, accès au sport, à la culture…