BTP : traque au dumping social dans l’Indre

Publié le 2 octobre 2015

Le Préfet de l’Indre a signé le 29 septembre dernier avec l’URSAFF, la DIRECCTE et trois organisations professionnelles du BTP [1] une convention de partenariat pour lutter contre la concurrence sociale déloyale induite par les fraudes au détachement de salariés étrangers. Le nombre de déclarations de détachement enregistrées sur le secteur du BTP dans le département depuis janvier dernier a progressé de plus de 200% par rapport à 2014.

Toute entreprise étrangère peut intervenir en toute légalité dans un pays de l’Union européenne dans le cadre d’une prestation de services internationale (PSI) [2].
En revanche, elle doit se conformer au cadre légal du pays où se réalise la prestation. En France, elle est notamment tenue durant la durée du détachement de ses salariés (maximum 2 ans) de se conformer aux dispositions légales et conventionnelles en cours concernant la rémunération, la durée du travail, les règles d’hygiène et de sécurité… Et surtout avant toute intervention, l’entreprise étrangère doit adresser une déclaration de détachement auprès de l’Unité territoriale de la DIRECCTE du lieu où débute la prestation.

Des détachements pas toujours déclarés

Dans l’Indre, les déclarations reçues depuis janvier dernier dans le secteur du BTP concernent 67 travailleurs étrangers pour un total de plus de 10 000 jours d’interventions. Cela représente une augmentation de +200% par rapport au nombre de jours enregistrés en 2014 alors que le secteur enregistre depuis plus d’un an une baisse sensible d’activité.
Et encore ce chiffre est sans nul doute sous-estimé si l’on sait qu’un rapport sénatorial [3] estimait en 2013 que seulement à peine la moitié des cas de détachement seraient déclarés.
Par ailleurs de fréquentes fraudes sont constatées lors de contrôle sur les chantiers : certains travailleurs détachés ne perçoivent pas le SMIC ou effectuent des heures supplémentaires non rémunérées, d’autres se voient dans l’obligation de régler eux même leur frais de logement et de restauration qui sont normalement à la charge de leur employeur.

Forte implication des organisations professionnelles

Bref, face à ce constat, les organisations professionnelles départementales (CAPEB, FFB, FNTP), l’URSSAF ainsi que les services de l’Etat concernés dans le cadre du Comité Opérationnel Départemental Antifraude (CODAF : inspection du travail, police, gendarmerie, services fiscaux, …) ont décidé de se mobiliser ensemble et de coopérer pour faire en sorte que le cadre légal soit bien respecté par toutes les entreprises étrangères intervenant sur le département.
« La signature de cette convention est sans précédent » note Nadia Rolshausen, directrice de l’unité départementale de la DIRECCTE. « Les trois organisations professionnelles s’engagent à informer largement leurs adhérents, avec le concours des services de l’Etat, sur les évolutions récentes de la réglementation en matière de PSI, notamment sur les nouvelles obligations qui incombent aux donneurs d’ordre (voir encadré). Par ailleurs elles devront inciter leurs adhérents à les informer de chantiers suspects ou de toutes sollicitations commerciales faisant apparaître des coûts anormalement bas. Ce ne sera pas toujours facile pour elles de convaincre leurs entreprises de la nécessité de ces signalements. Mais ceux-ci sont indispensables si l’on souhaite mieux cibler les contrôles. Leur engagement à ce sujet est donc courageux et je tiens à le souligner ».

Des contrôles inopinés la nuit et le WE

Tous les signalements seront transmis automatiquement au CODAF. Cette instance, coprésidée par le Préfet et le Procureur de la République, appréciera les suites éventuelles à donner à ces signalements en fonction du contexte de chaque affaire. Il décidera aussi de l’opportunité d’initier des contrôles conjoints à plusieurs corps de contrôle. Par ailleurs, des opérations inopinées continueront à être menées sur tout le département et certaines seront réalisées la nuit ou le WE. Tous les 6 mois, dans le cadre du Comité de suivi de la convention, un bilan des suites apportées à tous les contrôles sera présenté aux signataires, que ces suites soient pénales, administratives et financières.
Nul doute que les organismes sociaux qui collectent les cotisations sociales suivront avec attention la mise en œuvre de cette convention de partenariat. En effet, tous secteurs confondus, si les entreprises du département n’avaient pas fait appel à des travailleurs étrangers détachés en 2014, plus de 400 000 euros de charges sociales supplémentaires auraient été versées aux organismes collecteurs. Concurrence déloyale, non-respect de l’égalité de traitements entre salariés, fuite de TVA et de cotisations sociales… la facture due au contournement du cadre légal des PSI s’avère en définitive bien lourde.

En savoir plus :

Renforcement des moyens de lutte contre les fraudes au détachement

La loi « Savary » du 10 juillet 2014, qui transcrit la directive européenne 2014/67/UE en droit français, introduit le principe de l’obligation de vigilance et de responsabilité solidaire du maître d’ouvrage (MO) ou du donneur d’ordre. Ceux-ci sont tenus de vérifier que leur sous-traitant établi à l’étranger et détachant des salariés en France s’est bien acquitté de ses obligations de déclaration préalable de détachement et a bien désigné un représentant de son entreprise sur le territoire national. En cas de manquement à cette obligation de vérification, le MO ou le donneur d’ordre sont passibles d’une amende administrative similaire à celle encourue par l’entreprise étrangère qui n’aurait pas rempli ses obligations au titre du détachement, soit 2000 euros au plus par salarié détaché dans la limite de 500 000 euros (ce plafond a été relevé par la loi Macron).
Pour en savoir plus

Notes

[1CAPEB 36, FFB 36 et FNTP 36

[2La PSI se base sur un principe fondamental de l’Union Européenne, celui de la libre prestation de service telle qu’énoncée à l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’UE.

[3Rapport du Sénat N°257 – 2013

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