Travail illégal dans le BTP : mobilisation des acheteurs publics et parapublics
Publié le 25 janvier 2017 | Dernière mise à jour le 10 octobre 2022
Le travail illégal sous toutes ses formes (travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main d’œuvre…mais aussi fraudes au détachement transnational de salariés par des entreprises établies hors de France), perturbent gravement l’équilibre social et économique du secteur du BTP (voir chiffres clés dans l’encadré ci-dessous).
Les principaux maîtres d’ouvrages publics régionaux et du département du Loiret (voir liste des signataires ci-dessous) ainsi que trois maîtres d’ouvrages privés titulaires d’une délégation de service public (EDF, SNCF, Vinci Autoroutes) ont donc décidé de se mobiliser en concluant avec l’État une charte d’engagements pour lutter contre le travail illégal et la concurrence sociale déloyale dans le BTP.
Trois objectifs principaux
Dans cette charte, ils s’engagent à :
- renforcer leurs bonnes pratiques en matière d’achat et de commande publique (dossiers de consultation simplifiés, prise en compte d’autres critères que celui du prix…) ;
- détecter les offres anormalement basses (si suspicion, demande écrite systématique au candidat d’expliquer le prix des prestations présumées anormalement basses) ;
- lutter contre la fausse sous-traitance et la fraude au détachement (sensibilisation des prestataires étrangers à leurs obligations -transmission à l’inspection du travail de leurs déclarations de détachement et désignation d’un représentant en France-, limitation du nombre de niveaux de sous-traitance et exigence du port obligatoire de la carte professionnelle par tous les salariés du bâtiment).
Des signataires tous unanimes
« Le mouvement HLM est tout à fait prêt à s’engager pour promouvoir une concurrence loyale entre nos entreprises » déclare Didier Loubet, Président de l’Union sociale pour l’habitat de la région Centre-Val de Loire. « D’ores et déjà, nous avons pris l’habitude de lancer nos appels d’offre en lots séparés, ce qui limite les risques de sous-traitance en cascade ».
« Certains maires se sont déjà trouvés sur des chantiers où le maître d’œuvre n’était pas en capacité de produire les documents demandés et où comme par hasard, les ouvriers concernés avaient tous disparus lorsqu’ils revenaient quelques heures plus tard » remarque pour sa part Fréderic Cuillerier, Président de l’association des maires du Loiret. « Notre association souscrit pleinement à cette charte car nous devons protéger les travailleurs étrangers eux même et leur assurer un salaire décent ».
Des organisations professionnelles déjà mobilisées
Les organisations professionnelles du BTP avaient déjà pour leur part pris les devant en signant le 14 mars dernier avec l’État, l’URSSAF et la caisse congés intempéries BTP une convention régionale visant à amplifier la lutte contre les fraudes au détachement de salariés, notamment en intensifiant les signalements et les échanges d’information avec l’inspection du travail et les services de contrôle de l’URSSAF.
Mais il est vite apparu que les maîtres d’ouvrages étaient amenés à jouer un rôle important dans cette lutte qui vise notamment à proscrire les offres anormalement basses. D’autant plus que depuis 2 ans, l’arsenal juridique s’est progressivement renforcé [2] en instaurant notamment de nouvelles obligations pour les maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordre ayant recours à des travailleurs étrangers détachés.
D’où la signature de cette charte régionale et départementale pour le Loiret, charte qui devrait être également déclinée dans les prochains mois dans tous les autres départements de la région.
Pierre DUSSIN
Signataires de la Charte départementale : Conseil départemental du Loiret, Communauté d’agglomération Orléans Val de Loire, Communauté d’agglomération montargoise, Association des maires du Loiret, Mairie d’Orléans.
En savoir plus :
Chiffres clefs secteur BTP et travail détaché
Avec 52 000 salariés et 8168 établissements, le secteur demeure un important pourvoyeur d’emplois non délocalisables en région Centre-Val de Loire. Toutefois, il enregistre une baisse constante de ses effectifs (- 9% entre 2013 et 2015). Parallèlement, en 2015, 3761 salariés détachés sont intervenus sur des chantiers BTP en région pour un total de 103 000 jours de travail.
Pour s’assurer de la légalité de ces détachements de salarié, l’inspection du travail a procédé en 2016 à 277 contrôles d’entreprises étrangères du BTP réalisant en région des prestations de services internationales.
Au 18 janvier 2017, 28 entreprises contrôlées s’étaient vues notifier une amende administrative pour un montant total de 109 000 euros. Sur ces 28 dossiers, 18 concernaient des entreprises établies hors de France, et 10 des donneurs d’ordre (non-respect de leur obligation de vigilance).
Notes
[1] EDF, Vinci autoroute sont titulaires d’une délégation de service public et sont considérés à ce titre comme acheteurs parapublics.
[2] loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale et de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels