Aider les jeunes « en rupture » à reprendre le chemin de l’insertion

Publié le 6 octobre 2023 | Dernière mise à jour le 19 octobre 2023

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Le « contrat engagement jeune » (CEJ), lancé par le gouvernement en mars 2022, propose aux jeunes un accompagnement intensif pour les aider à définir leur projet professionnel et à intégrer le monde du travail. Problème : les jeunes dits « en rupture », ayant décroché du système éducatif, n’ouvrent pas la porte de Pôle emploi et des missions locales en charge de la mise en œuvre du CEJ. L’association CANOLYS et le GIP FTLV-IP [1] ont répondu à un appel à projet de la DREETS pour repérer et reprendre contact avec ces jeunes « sortis des radars ». Ils témoignent des premières actions engagées à Orléans Métropole.

Près de 2/3 des Orléanais sans activité professionnelle sont des jeunes de 15 à 24 ans [2]. Cela se traduit par un taux de pauvreté chez les jeunes de 29%, soit 8 points de plus que pour l’ensemble de la population Orléanaise. Face à cette situation, encore faut-il être en mesure de repérer ces jeunes « NEETS » (ni en formation, ni en éducation, ni en emploi). C’est le premier objectif auquel s’est attelé la petite équipe de CANOLYS [3] dédiée à ce projet depuis décembre dernier. « Nous avons passé nos 3 premiers mois d’activité à faire connaître notre projet, intitulé O’DAS [4], auprès de tous les professionnels locaux impliqués dans l’insertion sociale et professionnelle des jeunes » observe Claire CHASSIN, dirigeante et co-fondatrice de CANOLYS.

Se constituer un réseau

En tout plus de 30 rendez-vous ont été pris avec les acteurs intervenant dans le domaine de l’orientation-emploi (CRIJ, CREPI 45, Pôle emploi…), de l’aide sociale (CCAS, restos du cœur, Aide social à l’enfance…), de la formation (école de la seconde chance, Lycée Sainte-Croix-Saint-Euverte, AFEC, GRETA…) sans oublier la santé (CHS Daumezon, APLEAT…). A chaque fois, l’équipe a dû leur expliquer qu’O’DAS venait en complément de leur action et que ce dispositif n’était qu’un outil supplémentaire pour remobiliser des jeunes éloignés du service public de l’emploi. « Résultat, aujourd’hui, tous ces partenaires rencontrés nous appellent eux même dès qu’ils identifient un jeune susceptible de bénéficier de notre suivi  » note Pascal BARCELONNE Président et co-fondateur de CANOLYS. « Et là, il faut être très réactif et appeler le jeune aussitôt, sous 48 heures maxi, pour prendre RV avec lui. Sinon passé ce laps de temps, il est souvent déjà passé à autre chose ».

De gauche à droite : Marion KERVELLA, chargée de mission au GIP FTLV-IP, Pascal BARCELONNE Président de CANOLYS et Claire CHASSIN, dirigeante de CANOLYS.

Partager ses passions

La première rencontre avec le jeune se déroule en présence de son éducateur ou du référent de l’organisme qui a contacté l’équipe du dispositif O’DAS. Le jeune est invité à se rendre au CIJ [5], tiers lieu de compétences situé 48 rue du Bourdon Blanc, siège de CANOLYS, où lui sont présentés les divers ateliers micro-projets collaboratifs auxquels il peut participer : bricolage, peinture, photo, couture, jardinage, slam, théâtre… la palette est large. Particularité : tous les ateliers sont animés par d’autres jeunes qui souhaitent partager leur passion et ont bien souvent connu eux aussi des moments de galère. « Un de nos premiers jeunes accueillis venaient tous les jours de Courtenay » raconte C. CHASSIN. « Aujourd’hui, il a choisi de suivre une formation BAFA et anime en parallèle un atelier sur les échecs ». « Bien sûr, on les accompagne dans leur rôle d’animateur afin qu’ils puissent acquérir des compétences transversales qu’ils pourront réutiliser » note P. BARCELONNE. « Deux fois par an, on organise une expo-apéro où sont présentés les réalisations de chaque atelier en présence des jeunes, des parents et des partenaires. Nous organisons aussi des sorties hors les murs. Un groupe de jeunes est ainsi parti à vélo à Châteauneuf et ils ont dormi au camping. C’est l’occasion de développer leur autonomie et de reprendre confiance en eux. Trois autres jeunes sont allés faire les vendanges à Sancerre. Les premiers jours ont été très durs. Ils étaient à deux doigts de lâcher mais finalement ils ont tenu jusqu’au bout ».

Atmosphère Cosy

3 graffs sur bois réalisés par des jeunes suivis par canolys et exposés au centre international jeunesse à Orléans.

Tout est fait au CIJ pour que le jeune s’approprie vite les locaux et qu’il s’y sente comme chez lui. Dès l’accueil, on se croit à la maison : canapé, table basse, tapis, coin cuisine… Bref, ce n’est pas l’ambiance de bureau impersonnelle. Par ailleurs, chaque jeune bénéficie d’un suivi personnalisé lors d’entretiens individuels réguliers avec son référent O’DAS. La mission de ce dernier est de l’aider à identifier progressivement ses compétences, ses envies, ses valeurs… et à être à même de se projeter dans l’avenir.

Formaliser son engagement

Lorsqu’un jeune se sent prêt à s’engager dans la durée avec la mission locale pour affiner son projet professionnel (via un stage, une immersion en entreprise, une formation…), Il lui est proposé de signer un contrat engagement jeune (CEJ). « Le CEJ « jeunes en rupture » n’est qu’un moyen pour parvenir à un emploi durable ou à une formation qualifiante » précise Marion KERVELLA, chargée de mission au GIP FTLV-IP. « Il offre au jeune un accompagnement global qui peut inclure la résolution de problématiques de logement, de mobilité, de santé… ainsi qu’une allocation financière [6] pour les jeunes à faibles ressources. Mais à la différence du CEJ classique, le CEJ « jeunes en rupture » est plus souple et autorise des temps d’arrêt d’activité durant quelques semaines si le jeune n’est plus en mesure de s’investir une quinzaine d’heures par semaine. Par ailleurs, une fois le CEJ signé, le jeune peut continuer, s’il le souhaite, de suivre des activités à CANOLYS et son référent O’DAS est en lien régulier avec son référent de la mission locale ».

Des profils variés

A ce jour, 48 jeunes ont été accueillis dans le cadre d’O’DAS, et l’objectif envisagé de 145 jeunes suivis sur 2 ans semble réaliste. Toutefois, les porteurs du projet ont été surpris par la grande diversité des profils des jeunes avec qui ils ont su nouer un lien de confiance. « Nous avons des jeunes qui nous ont été adressés par l’aide sociale à l’enfance (ASE), la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), l’hôpital psychiatrique, la mission de lutte contre le décrochage scolaire du Rectorat… D’autres sont là, sans problème particulier. Simplement ils ne savent pas ce qu’ils veulent faire. » observe C. CHASSIN.

Ecoute et bienveillance

« Bref, nos jeunes sont très différents mais cela ne les empêche pas d’être bienveillants entre eux. La plupart du temps, ils se respectent. L’essentiel est de parvenir à créer une dynamique de groupe dans nos ateliers. C’est très important car beaucoup d’entre eux sont souvent isolés et subissent une forme de solitude. Nous avons eu notamment plusieurs jeunes « sans papier ». Avec eux, la priorité, c’est de les aider dans leur démarche administrative et nous les orientons vers des associations spécialisées.

En fin de compte, dans le cadre de ce projet, nous sommes des spécialistes de l’accompagnement. Nous mettons au bénéfice des jeunes notre savoir faire en matière de développement de compétences et notre capacité à mobiliser notre réseau et activer des spécialistes en fonction du besoin de chacun d’entre eux. C’est l’originalité et la force d’ODAS ! ».

Notes

[1Groupement d’Intérêt Public « Formation Tout au Long de la Vie – Insertion Professionnelle » de l’académie d’Orléans-Tours

[2source INSEE

[3équipe composée des 2 co-fondateurs, de 3 éducateurs-facilitateurs, de 2 coordonnatrices et d’une assistante administrative

[4Orléans Dynamique d’Accompagnement Spécifique

[5Centre International de Jeunesse

[6au maximum 528 euros mensuels conditionné à l’assiduité et à l’engagement du jeune tout au long de son parcours