Focus sur la clause sociale, un dispositif de lutte contre le chômage et l’exclusion
Publié le 21 mars 2023 | Dernière mise à jour le 23 mars 2023
« Pour le projet de conception-réalisation du Pont de Châtillon-sur-Loire, le Département du Loiret avait inclus une clause sociale : nous devions réserver 9 500 heures de travail pour des personnes rencontrant des difficultés d’accès ou de retour à l’emploi » raconte Anthony Marais, responsable d’exploitation à Baudin Châteauneuf, lors de la 4ème étape du Tour de France de la clause sociale à Orléans, le 20 octobre 2022. Fin 2018, ce groupe spécialisé dans la construction et la rénovation des ouvrages répondait pour la deuxième fois à un marché public comprenant ce type de condition (voir encadré). Pour réaliser ses heures en clause sociale, Baudin Châteauneuf a notamment sollicité ses prestataires et inclus une clause sociale dans ses contrats avec ses sous-traitants. Ils ont également délégué le ménage et l’entretien du chantier à une entreprise d’insertion. « Nous avons par ailleurs collaboré avec une association pour présélectionner des candidats pour nos recrutements en propre. C’est le Département qui nous a orienté vers les bonnes structures. Cet accompagnement était indispensable car nous étions novices en la matière. » Aujourd’hui, Anthony Marais l’assure : « Nous sommes vraiment plus à l’aise avec les clauses sociales et c’est une bonne chose car cela se généralise de plus en plus. »
Finalement, ce ne sont pas 9 500 heures que réalisera l’entreprise mais 11 000 heures. Elle recrutera également deux bénéficiaires de cette clause sociale en CDI. « Accompagner des personnes dans leur retour à l’emploi, c’est très valorisant, surtout pour nos équipes sur le terrain. Les clauses sociales c’est aussi une forme de pré-recrutement : c’est toujours intéressant de connaître la motivation, l’engagement et le savoir-être d’une personne avant de lui proposer un CDI » assure Anthony Marais.
La clause sociale : un levier pour l’emploi durable
Comme Baudin Châteauneuf, près de 15 000 entreprises françaises ont employé des personnes dans le cadre de clauses sociales en 2020. Cette même année, les clauses sociales ont généré plus de 60 000 contrats et permis l’emploi de 48 000 personnes*. « La clause sociale est un dispositif efficace de lutte contre le chômage et l’exclusion » confirme Muriel Ygouf, adjointe à la cheffe du service Accès et retour à l’emploi de la DREETS Centre-Val de Loire. « Elle est aussi un moyen pour aller vers une société plus inclusive, solidaire et durable, et pourrait permettre de répondre en partie aux tensions de recrutement. La clause sociale permet par ailleurs aux entreprises de rencontrer des personnes auxquelles elles n’auraient pas pensé : personnes en situation de handicap, demandeurs d’emploi de longue durée… »
Muriel Ygouf rappelle par ailleurs que la clause sociale n’exclut aucun secteur. En 2020, 44 % de l’activité globale de la clause sociale était réalisée dans des marchés de services, dont des prestations intellectuelles. « Il ne faut pas que les entreprises privées se posent des limites qui n’existent pas : elles peuvent s’emparer de la clause sociale comme cela peut se faire pour tous les contrats et tous les marchés de la commande publique. »
Les facilitateurs : acteurs clés du déploiement de la clause sociale
Pour accompagner les entreprises, Muriel Ygouf explique qu’il existe des outils comme le marché de l’inclusion – plateforme web qui recense les prestataires inclusifs – et des acteurs territoriaux dédiés : les facilitateurs. « Il en existe dans chaque département de la région. Ils jouent un rôle essentiel pour le déploiement des clauses sociales. En amont, ils conseillent et accompagnent les acheteurs sur les consultations et la rédaction des marchés, aident à la recherche des publics concernés. En aval, ils peuvent assurer le suivi de la mise en œuvre des obligations d’insertion des publics bénéficiaires de la clause en partenariat avec les acteurs de l’insertion, de la formation, de l’accueil ou de l’orientation des publics ».
Dans le cadre de son Plan national pour des achats durables (PNAD) 2022-2025, l’État entend augmenter le nombre de facilitateurs et a lancé en 2022 un appel à projets (AAP) en ce sens. Il vise à aider au financement de nouveaux postes de facilitateurs mais aussi de coordinateurs régionaux (un par région) qui assurent les échanges entre les acteurs au niveau régional. « Cet AAP est l’une des actions majeures du PNAD 2022-2025, souligne Muriel Ygouf. Il s’agit de la traduction opérationnelle de la volonté de l’État de développer les clauses sociales dans les commandes publiques et privées. Un nouvel appel à projet devrait être lancé en 2023. »
Feuille de route gouvernementale pour le déploiement de commandes durables, le PNAD 2022-2025 fixe pour objectif qu’en 2025 « 30 % des contrats de la commande publique notifiés au cours de l’année comprennent au moins une considération sociale ».
La clause sociale est une condition d’exécution d’un marché, public ou privé, qui permet de réserver une partie des heures de travail à des personnes en situation de fragilité et éloignées de l’emploi : personnes en situation de handicap, jeunes sans qualification, titulaires des minima sociaux, demandeurs d’emploi de longue durée…
En savoir plus :
Article paru initialement sur le site "Etoile" et rédigé par Quentin Prunier de l’agence Kogito pour le GIP Alfa Centre-Val de Loire.
Image : département du Loiret