« L’intelligence artificielle, c’est l’enjeu caché de la transformation numérique »

Publié le 9 novembre 2018 | Dernière mise à jour le 12 novembre 2018

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Pour Patrice Edey-Gamassou, référent numérique à la Direccte Centre-VDL, les TPE-PME doivent très vite mettre à profit tous les leviers de compétitivité que leur offre la révolution numérique… au risque de se voir happer par la concurrence. Car la transformation digitale ouvre la voie à des améliorations de productivité massive et surtout à une meilleure compréhension de ses marchés grâce à l’analyse des données.

La Direccte Centre-VDL : Le 15 octobre dernier a été lancé officiellement par le gouvernement, en partenariat avec les Régions, l’initiative France Num afin d’offrir aux TPE-PME des outils et un accompagnement de proximité pour réussir leur transformation numérique. Cette initiative ne vient-elle pas trop tard ?

P.Edey-Gamassou : Mieux vaut tard que jamais. D’autant que beaucoup de choses ont déjà été réalisées. A travers la dynamique « industrie du futur », plus de 5 200 PME industrielles françaises ont déjà pu bénéficier d’un accompagnement dans le cadre de programmes proposés par les filières et les Régions. Le Centre-Val de Loire a été la première région à lancer un portail, « ledigitalpme », facilitant la mise en relation entre des demandeurs de prestations numériques (artisans, TPE, PME…) et des offreurs de solutions (prestataires ou consultants) domiciliés sur le territoire régional. Ce portail, piloté par le GIP Recia, sous gouvernance Etat/Région, recense déjà l’offre de service de plus de 200 prestataires locaux.
Par ailleurs, dans le cadre du contrat de projet Etat-Région 2015-2020, la Direccte a proposé en 2017 d’expérimenter en Touraine une action destinée à aider les dirigeants de petites entreprises (moins de 50 salariés) à mettre en place des solutions hardware et software les plus adaptées à leurs besoins. Cet accompagnement par un opérateur local reconnu, alterne séances collectives inter-entreprises et conseil/suivi individuel. D’ores et déjà, plus d’une vingtaine d’entreprises ont bénéficié de cette prestation et le retour est très positif à tel point que beaucoup d’employeurs sont demandeurs de formations supplémentaires pour leurs salariés.


Fin 2016, seulement 1/3 des TPE disposaient d’un site internet. Qu’est-ce qui explique un tel retard ?
Les freins sont nombreux. Il y a tout d’abord une méconnaissance de la part de beaucoup de TPE des nouveaux usages des outils numériques. Beaucoup de dirigeants ne discernent pas bien encore la plus-value pour leur entreprise de tels outils. Et puis il est vrai qu’il existe une offre de solutions numériques pléthorique et peu lisible. Faut-il opter pour des progiciels propriétaires, des logiciels libres… ? Sans oublier la crainte de mal apprécier les coûts cachés des prestations proposées en terme de maintenance. Le manque de compétences en interne, le coût mais aussi l’inquiétude pour la sécurité des données sont aussi fréquemment avancés pour expliquer l’attentisme des TPE.

L’initiative France Num est-elle en mesure de lever rapidement tous ces freins ?
Oui, car pour la première fois, une entreprise pourra trouver sur une plate-forme unique, des témoignages d’employeurs de leurs secteurs ayant initié leur transformation numérique ainsi que des recommandations concrètes concernant des outils et des offres de financement adaptées. Et surtout, elle pourra entrer en contact avec un réseau d’accompagnement de proximité, les « activateurs France Num ». A ce jour, plus de 900 activateurs, appartenant aux réseaux partenaires (CCI, branches professionnels, OPCA…(1)) sont déjà répertoriés sur le portail. C’est important car les dirigeants de TPE/PME ont besoin d’un contact physique avec un conseiller qui sera en mesure de préconiser des solutions sur-mesure à l’issue d’un diagnostic numérique de l’entreprise.

Dans quel domaine le retour sur investissement d’une transformation digitale peut-il être le plus rapide et le plus visible pour une petite entreprise ?
Toutes les fonctions de l’entreprise sont impactées. Mettre en place un plan d’action numérique nécessite d’ailleurs de revoir bien souvent ses propres modes d’organisation interne. Selon moi, la fonction commerciale est celle qui peut enregistrer très vite une nette plus-value. Les logiciels de gestion de la relation-clients sont d’ailleurs aujourd’hui beaucoup plus abordables et permettent d’optimiser les actions de prospection, de fidélisation. Mais attention, désormais, sur internet, le client est plus exigent ; il souhaite notamment être informé à tout moment de la progression de sa commande. L’entreprise doit donc savoir faire preuve de réactivité et être en mesure de lui offrir une relation-client de grande qualité. Cela peut induire là aussi d’importantes modifications des processus interne, en matière de logistique/livraison et de service après-vente.

Une petite entreprise a-t-elle les moyens d’exploiter toutes les données numériques qu’elle collecte ?
Oui. Non seulement, elle peut aujourd’hui se doter d’outils de recueil, de traitement et d’analyse des données à des coûts accessibles, mais je dirai qu’elle se doit impérativement de le faire. Car les datas sont le cœur nucléaire de la révolution numérique, certains disent même qu’elles sont le pétrole du 21ème siècle. Bien administrer et traiter ses données vous permet par exemple de mieux connaître vos clients pour mieux les satisfaire, mais aussi d’optimiser vos flux de production et surtout de déceler de nouvelles pratiques de la part des consommateurs et par là même de nouveaux marchés.
L’intelligence artificielle va aussi bouleverser de nombreux métiers dans leurs gestes professionnels. Avec la robotisation des chaînes de montage, nous avons assisté à la diminution du nombre de cols bleus, les ouvriers. Désormais, avec les « machines learning », ce sont les cols blancs (médecins, comptables, juristes…) qui risquent de voir leur métier disparaître ou du moins se transformer profondément.

Propos recueilli par Pierre DUSSIN