Le délégué à l’accompagnement des reconversions professionnelles : l’interlocuteur RH des PME

Publié le 12 avril 2024 | Dernière mise à jour le 27 mars 2024

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Créés en 2022, les Délégués départementaux à l’Accompagnement des Reconversions Professionnelles (DARP) sont devenus aujourd’hui au sein des DDETS.PP des interlocuteurs clés pour les entreprises ayant des problématiques « emploi-RH-compétences ». En lien régulier avec les partenaires institutionnels et les entreprises, ils apportent une solution sur mesure à l’employeur, soit en mobilisant les dispositifs ad’hoc, soit en orientant vers l’opérateur approprié le plus proche.

Patrick BREZEL, DARP régional à la DREETS, chargé, notamment de l’animation des 6 DARP du Centre-Val de Loire, revient lors de cet interview sur son activité et celle des délégués ainsi que sur la feuille de route 2024.

Lors de la création des DARP début 2022, leur mission principale était d’accompagner les entreprises confrontées à une baisse d’activité dans la reconversion professionnelle de leurs salariés amenés à devoir changer de poste en interne, voire à quitter leur entreprise. Depuis leur mission s’est élargie. Pourquoi cette évolution ?

Patrick Brezel - DARP régional à la DREETS Centre-Val de Loire

Patrick BREZEL : A l’époque, nous étions à la fin de l’épisode COVID et le gouvernement s’attendait à une très forte hausse des défaillances d’entreprises. Les mesures gouvernementales massives de soutien aux entreprise (Prêt Garanti par l’Etat, activité partielle…) ont permis que cela ne soit pas le cas. Au contraire, en dépit des crises qui ont suivi (guerre en Ukraine, coût des matières premières, prix de l’énergie), un nombre croissant d’employeurs a dû faire face à des difficultés de recrutement. Résultat, les délégués interviennent de plus en plus, en lien étroit avec les OPCO, les branches professionnelles, les consulaires... pour apporter des solutions à ces pénuries de main d’œuvre. Cela passe par la mise en place de formations adaptées dispensées à des demandeurs d’emploi ou à des salariés en reconversion, mais aussi souvent par l’amélioration des conditions de travail liées à l’attractivité des métiers ou l’adoption de nouvelles pratiques de recrutement. Sur tous ces sujets, les DARP disposent d’une palette d’outils à activer en fonction des spécificités de l’entreprise et du secteur d’activité. Ainsi dans le Cher, la déléguée a été sollicitée par l’inspection du travail sur le cas d’un EHPAD en grande difficulté pour mettre un terme à son manque permanent de personnel. Après avoir fait le point avec l’OPCO Santé, et évalué les dispositifs capables de répondre au besoin, il a été proposé à l’établissement d’avoir recours à la prestation conseil en ressources humaines (PCRH). Celle-ci permet à l’employeur d’être accompagné gratuitement par un consultant spécialisé en RH pour améliorer ses méthodes de recrutement et revisiter toute sa politique de gestion interne de ses emplois et de ses compétences.

Dans ce même département, la DARP a aussi été interpellée par PARAGON ID. Cette entreprise, qui fournit des solutions d’identification en utilisant des technologies sans contact telles que la RFID, souffre d’être en perpétuelle recherche de nouveaux profils d’ingénieurs. La déléguée a permis la mise en relation de l’entreprise avec l’INSA, une école d’ingénieure à Blois lors d’un INS’Appétit en présence de la sous-préfète. Cet évènement a permis un échange direct entre PARAGON ID et les étudiants avec des perspectives de stages, d’emplois saisonniers et sans doute de futurs contrats d’apprentissage.

Pour toutes ces questions de tensions de recrutement, les DARP agissent en étroite collaboration avec leurs collègues chargés de développement de l’emploi et des territoires (CDET) qui participent dans chaque bassin d’emploi aux Comités de développement de l’emploi. Coprésidés par les sous-préfets et des élus de la Région, ces comités associent des représentants de France Travail, des missions locales et des principaux secteurs d’activité locaux et œuvrent à fluidifier la jonction entre l’offre et la demande d’emploi.

En dépit de l’élargissement de leur spectre d’intervention, le soutien aux entreprises en difficulté ou à celles devant faire face à des mutations structurelles continue de mobiliser de manière importante les DARP. Quelles formes d’appui apportent-ils dans ce cas aux employeurs ?

PB : Il s’agit tout d’abord de bien identifier les causes de la baisse d’activité en cours ou attendue par l’entreprise. C’est ce à quoi s’emploie le DARP en Indre-et-Loire qui contacte les entreprises qui font une demande de chômage partiel en ligne afin d’étudier avec elles la cause de cette demande et de vérifier si d’autres dispositifs ne seraient pas plus adaptés. S’il se confirme que l’entreprise est bien éligible au chômage partiel, le recours à celui-ci est accordé pour 3 mois ou 3 mois renouvelable avec engagement de maintien de l’emploi.

Dans le Loiret, le délégué a visité l’entreprise HUTCHINSON, multinationale qui développe des technologies pour une mobilité plus durable, et a ensuite été informé d’un projet de rupture conventionnelle collective (RCC) sur son site de Fleury-les-Aubrais (45). Il a suivi les négociations de cette RCC, en lien avec le cabinet RH mandaté par l’entreprise et a facilité le recours au dispositif Transco qui permet d’accompagner la reconversion professionnelle des salariés dont l’emploi est menacé. L’association régionale « Transition pro » a organisé dans ce cadre plusieurs réunions d’information collective pour inciter les salariés concernés à s’engager dans le dispositif et leur a présenté avec France Travail des entreprises locales susceptibles de les embaucher à l’issue d’une formation adaptée qu’ils auraient accepté de suivre au préalable.

De même dans le Loir-et-Cher, un accord d’entreprise pour déployer Transco a été conclu au premier semestre 2023 au sein de Phinia Delphi France fabricant de pièces automobiles à Blois. La déléguée a travaillé avec l’entreprise pendant de longs mois afin que le dispositif puisse être incorporé dans l’accord GEPP [1], ce qui a permis de proposer le dispositif aux salariés et de le promouvoir en interne à travers des réunions d’information. Résultat : en décembre dernier, 15 salariés étaient déjà accompagnés grâce à Transco par un conseiller en évolution professionnel pour affiner leur projet de reconversion.

Dans ces exemples, le DARP joue un rôle de facilitateur et devient un interlocuteur de référence dans la durée de l’employeur. Plus il est alerté tôt des difficultés prévisibles d’une entreprise, plus il est en mesure d’agir efficacement. A cet égard, tous les DARP ont accès à « Signaux faibles », un logiciel de détection des entreprises ayant un risque de défaillance mis à notre disposition par le ministère de l’économie. A partir de l’analyse statistique de données publiques ainsi que des trajectoires d’entreprises ayant fait défaut, le logiciel signale un risque d’entrée en procédure collective à 18 mois. Moi-même, je participe à la DREETS deux fois par mois avec notamment mon collègue, commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP), à un passage en revue des entreprises fragilisées ou susceptibles de le devenir et qui sont toutes suivies avec attention par les pouvoirs publics.

Le réseau des DARP s’implique également dans l’accompagnement de secteurs d’activité dont le modèle économique est bousculé à la suite de changements technologiques, de chocs externes (hausse des prix des matières premières…) ou de mutations plus structurelles (changement des modes de consommation…). Quelles sont vos secteurs prioritaires pour 2024 ?

PB : Dès 2022, le secteur de l’automobile a fait l’objet d’une priorité des DARP. En Centre-Val de Loire, nous avons essentiellement des sous-traitants, dont beaucoup vont devoir faire évoluer leurs modes de production et donc les compétences de leurs salariés avec la fin du moteur thermique prévue en 2035. De mars 2022 à avril 2023, les DARP ont ainsi participé à une trentaine de visites d’entreprises du secteur en lien avec le chargé de mission « filière auto » et le CRP du service économique de la DREETS.

En 2024, nous avons aussi en priorité le secteur du bâtiment qui est en net repli à cause de la hausse des crédits immobiliers qui génère une baisse du nombre de chantiers, et de la hausse du coût de l’énergie et des matériaux. De même l’industrie agro-alimentaire est suivie avec attention car c’est une filière stratégique régionale qui est aussi impactée par l’inflation des coûts de l’énergie et des matières premières agricoles. Autres domaines d’activités surveillés : la filière Bio agricole qui subit de plein fouet la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, le commerce de l’habillement et le secteur de la santé et des métiers du grand âge qui doit faire face à d’importantes tensions de recrutement.

Par ailleurs, nous participons avec la DREAL et le Conseil régional à la création d’un groupe de travail thématique dédié à la structuration de la filière « rénovation énergétique des bâtiments ». L’objectif des pouvoirs publics est de rénover de manière globale [2] 15 000 logements par an d’ici 2030. Or nous n’avons pas assez d’artisans possédant le label RGE qui donne l’accès aux aides publiques. L’enjeu est donc d’élaborer et de dimensionner une offre de formation adaptée et d’inciter les professionnels à se former. J’ai d’ores et déjà pris contact à ce sujet avec la FFB, la CAPEB et l’OPCO Constructys.

Enfin, je regarde avec attention les impacts de l’intelligence artificielle et de la robotisation sur l’emploi. Beaucoup d’entreprises industrielles et de petites PME n’ont pas encore toutes conduit leur transition numérique et celle-ci va les contraindre à adapter rapidement les savoir-faire et savoir-être de leurs collaborateurs.

Propos recueillis par Pierre DUSSIN

Notes

[1« Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels »

[23 gestes d’isolation + rénovation système de chauffage